Pour un oui ou pour un non

Nathalie Sarraute / Bruno Emsens

Reprise

En moins de 70 minutes, une amitié de 30 ans va être disséquée de fond en comble, jusqu'à l'os, débusquant les violences, les envies mais aussi la tendresse de ces deux hommes sans concession.

Le texte est déjà d’une finesse et d’une précision extraordinaires, plein de subtilités, détails loin d’être anodins qui tissent les relations intimes. Mais le jeu des deux acteurs (…) est si réaliste qu’on a quasi l’impression de vivre une véritable scène d’explications. Dans cette promiscuité, ils sont époustouflants - Cécile Berthaud, L’Écho

Deux hommes se font face: l’un veut comprendre ce qu’il y a eu, l’autre dit que ce n’est rien, « ce qui s’appelle rien… ce qu’on appelle ainsi… en parler seulement, évoquer ça… ça peut vous entraîner…(…) Personne, du reste… personne ne l’ose… On n’en entend jamais parler… ». Pourtant il va oser, oser dire les mots et avec eux, le fond de son sentiment. Le risque c’est de perdre une amitié de trente ans. L’enjeu est énorme pour l’un comme pour l’autre.

Mais pourquoi dire le fond de son sentiment et risquer tant? Ne vaut-il pas mieux se taire parfois? Il ne s’agirait pas de nier, de refouler, de faire comme si de rien n’était, non... ce serait plutôt d’assumer le silence entre eux deux pour préserver l’essentiel.

C’est d’abord ce que l’un des deux tente, mais l’autre insiste, fait pression. Alors les mots deviennent tranchants comme des scalpels. L’affrontement est inévitable, on dissèque jusqu’à l’os, non sans un certain plaisir d’ailleurs, pour constater le désastre, ou alors pour se rendre compte que l’essentiel subsiste malgré tout…

 

Le mot du metteur en scène

Bien sûr, le contexte de cette célèbre pièce de Sarraute est l’amitié de deux personnes. Mais il s’agit moins de sentiments que d’expression : comment faire avec les mots ? Ils sont là, à notre disposition ; on nous les a appris, on nous a dit à quoi ils se référaient. Mais quant à dire ce que nous vivons, ils semblent creux soudain, sans substance.

Sur le plateau, il y a les mots, - et ceux de Sarraute sont parmi les plus subtils, les plus adéquats -, mais il y a aussi les corps. Les corps vivants de deux acteurs. Je souhaite l'alliance de ces deux mondes sur le plateau. Pour parler tant au cœur, au ventre, aux tripes, qu'à la pensée du spectateur.

Nous savons qu'il n'y aura pas de réconciliation ou de séparation à la fin du spectacle. Ce n’est pas la question. Mais le chemin parcouru par les uns et par les autres en vaudra le temps passé. Je l'espère.

Bruno Emsens