Projet H

Ou l'amour romantique est-il toujours super ?

Résidence de création
Ophélie © Friedriech Wilhelm Theodor Heyser
Ophélie © Friedriech Wilhelm Theodor Heyser

« Elles disent qu’il faut tout recommencer. Elles disent qu’un grand vent balaie la terre. Elles disent que le soleil va se lever. » - Les guérillères, Monique Wittig.

L’amour hétérosexuel est un sujet à la mode : il y a le podcast de Victoire Tuaillon, Le cœur sur la table ou le livre de Mona Chollet, Réinventer l’amour : comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles. Des études n’arrêtent pas de sortir sur la répartition inégalitaire du temps de travail domestique, sur la charge mentale, la charge parentale qui reste la responsabilité des femmes. Il y a les violences conjugales, que l'on sait statistiquement banales. Les chiffres et les analyses qui prouvent et expliquent la grande arnaque que vivent les femmes hétérosexuelles ne manquent pas… On sent que ça travaille dans tous les sens et que les personnes assignées femmes n'en peuvent plus de se taper tout le boulot ET d'être en danger.

 

Moi aussi, j’en ai marre.

J’ai été cette fille qui demande gentiment à son copain de penser à faire la vaisselle, cette meuf qui navigue à vue avec un partenaire évitant, celle qui sert d’escabeau à un homme de son entourage sans que jamais, il ne la remercie.

J’ai eu envie de tout laisser tomber et d’aller vivre dans une forêt sacrée, sans mecs cisgenres, puis je me suis rendue compte que sans doute il n’y aurait pas de wifi. À la place, je vais écrire.

Le concept de couple, cette mini-religion comme Liv Stromqist la dénomme dans sa BD Les sentiments du Prince Charles, est tout de même bien étrange. Déjà parce que le sentiment d’amour, mystique, mystérieux et imprévu, on ne peut pas le contrôler. Il arrive ou il n’arrive pas. Parfois il disparaît sans qu’on le veuille. On peut le rationnaliser : on reproduit un modèle parental, un modèle socio-culturel, on essaie de donner du sens à sa vie, on est influencé·e par les comédies romantiques, n’empêche : quand on est frappé·e par la foudre, on comprend pourquoi cette métaphore existe. Tout s’arrête, ou plutôt tout recommence. Les chansons d’amour s’adressent exclusivement à nous, on est capable de ne pas dormir ni manger trois jours d’affilée, on tremble, on sue, nos pupilles se dilatent, bref, on est complètement shooté·e aux hormones. Si à ce moment-là quelqu’un·e se ramène en disant « tu as bien conscience que tu reproduis un modèle culturel ? », à priori, on se bouchera les oreilles en chantant Le coup de soleil de Richard Cocciante. En tant que personnes perçues comme femmes, on a beau avoir lu dans des essais féministes comment l’hétérosexualité soutient le patriarcat, le sentiment d’amour est tellement puissant qu’on tombe dedans et qu’on en redemande...

Devrait-on renoncer à l’amour pour éviter cette grande arnaque ou se mettre en couple uniquement avec des femmes ou des personnes transgenres ? Ne serait-ce pas une fétichisation malsaine des personnes trans ? Et que fait-on des études qui démontrent que les couples homosexuels ne sont pas exempts de violence ? Dans un monde où les rapports de domination sont une grande composante des relations sociales, peut-on construire des relations amoureuses qui y échappent ? Est-ce que l’espace romantique est un espace qui pourra un jour se réinventer en dehors des normes sociales et culturelles qui y sont attachées depuis des siècle ?